Une fois n'est pas coutume, je vous livre un texte si beau que je ne peux le réduire. Il est écrit par Marie Gevers dans "Plaisir des Météores".Le 21 juin est donc une date très importante. Si le printemps fut une montée, une poussée de plus en plus impétueuse, nous voici arrivés au bout, et c’est bien en ce moment-ci que la saison bascule : la chaleur augmente, la canicule l’accentue encore, la nature semble de plus en plus opulente, mais l’été n’en est pas moins, après le vol nuptial du blé, après l’écroulement des herbages, une saison descendante, comme le soleil.
Tout comme la Saint-Thomas d’hiver, la Saint-Jean d’été est pleine de mystère…
Or, si les papillons de neige sont les symboles fugitifs de Noël, le plus rare des papillons de nos étés symbolise à mes yeux la nuit de l’unique rencontre du printemps et de l’été : c’est la vanesse Antiope. Ses ailes, d’un violet profond, sont toutes bordées de blanc. Une nuit de Saint-Jean sans lune est, elle aussi, veloutée et frangée de clarté, une vague lueur erre toute la nuit à l’horizon, car le soleil frôle l’obscurité, dans sa course oblique de quelques heures. La nuit, posée aux fleurs des étoiles, atteint à peine le zénith, que déjà, fatiguée, elle bat des ailes et disparaît. Antiope, reine des Amazones, est de nouveau vaincue par le solaire Hercule.
Nous voici donc debout, à minuit, au solstice d’été, dans une plaine cultivée. Regardons le ciel. Dès maintenant, nous nous rapprochons de l’automne. Et nous pensons à cette paysanne qui disait : « Après les foins, tout est fini…
- Tout est fini… quoi ?
- Tout !...
Elle ne savait pas s’expliquer, mais moi je la comprenais : fini tout ce qui est prévoyance, en épousailles, en devenir, en espérances, tout ce que l’on peut attendre. La nuit de la Saint-Jean est une nuit de renonciation. A partir d’aujourd’hui, il nous faudra quitter peu à peu tout ce que nous a donné la lumière ; consommer un à un les fruits qui nous furent promis, et s’ils furent mal fécondés ou mal conçus, s’ils ont raté, tant pis ! il est trop tard pour recommencer. Arrivés à ce sommet de lumière, de parfums, d’abondances, il faut accepter que chaque jour, désormais, nous en reprenne quelque chose. Oui, les foins sont rentrés, et bientôt les moissons seront faites, les seigles, puis les froments, puis les pommes de terre… Oui, la nuit de la Saint-Jean, cette immense, cette unique vanesse Antiope bleu foncé, bordée d’aurore, s’est envolée.
Ainsi cette fête miraculeuse du solstice est une promesse d’obscurité, comme la fête de Noël est une promesse de lumière. Le soleil d’aujourd’hui dit : je pars, et le soleil du 21 décembre dira : je reviens.
Je vous le laisse méditer ... je reviens